Paulette Nardal et la Négritude

C’est en 1929, avec ses sœurs Jeanne et Andrée, que Paulette ouvre les portes de son Salon à Clamart à ses amis et visiteurs du monde entier, il sera un salon multiculturel, recevant l’élite de la diaspora noire, d’origines et de nationalités différentes.

Paulette NARDAL est à l’avant-garde et crée, avec d’autres, la REVUE DU MONDE NOIR.

Revue bilingue en français et anglais, dont les objectifs sont fixés par les fondateurs :

Donner à l’élite intellectuelle de la Race Noire et aux amis des Noirs un organe où publier leurs œuvres artistiques, littéraires et scientifiques.
Etudier et faire connaître par la voix de la presse, des livres, des conférences ou des cours, tout ce qui concerne la CIVILISATION NÈGRE et les richesses naturelles de l’Afrique, patrie trois fois sacrée de la race noire.

Créer entre les Noirs du monde entier, sans distinction de nationalité, un lien intellectuel et moral qui leur permette de se mieux connaître, de s’aimer fraternellement, de défendre plus efficacement leurs intérêts collectifs et d’illustrer leur Race, tel est le triple but que poursuivra LA REVUE DU MONDE NOIR.
Par ce moyen, la Race noire contribuera avec l’élite des autres races et tous ceux qui ont reçu la lumière du vrai, du beau et du bien, au perfectionnement matériel, intellectuel et moral de l’humanité.

Sa devise est et restera :

Pour la PAIX, le TRAVAIL et la JUSTICE.
Par la LIBERTÉ, l’ÉGALITÉ et la FRATERNITÉ.
Et ainsi, les deux cent millions de membres que compte la race noire, quoique partagés entre diverses Nations, formeront, au-dessus de celles-ci, une grande DÉMOCRATIE, prélude à la Démocratie universelle.

Les premiers textes paraissent en 1931 mais la publication ne dure qu’un an, faute de moyens financiers.

Pour mémoire, le sénégalais CHEIK ANTA DIOP publiera «Nations nègres et cultures» en 1955 et «Antériorité des civilisations nègres» en 1967.

Paulette NARDAL écrit beaucoup. Son salon devient un passage obligé de toute l’élite du monde noir, aussi bien politique que culturelle ; c’est un lieu de brassage et de confrontations d’idées.

Un espace où se crée un formidable réseau de relations entre personnalités du monde noir.

 

Et, surtout…

celui de la naissance d’une véritable conscience noire, à mettre en relation avec le mouvement du «Harlem Renaissance» porté par les intellectuels et artistes noirs américains aux Etats-Unis.

Parmi les intellectuels qui fréquentent les lieux, Aimé CÉSAIRE et Léopold SÉDAR SENGHOR : c’est là que naît le concept de la Négritude.

A la mort de Paulette, Léopold SEDAR SENGHOR écrira aux Sœurs NARDAL une lettre, datée du 7 mars 1985 :

« Je vous prie d’accepter mes amicales condoléances, auxquelles tous les membres de ma famille joignent les leurs.
En effet, Paulette NARDAL a été un guide pour la génération des étudiants antillais et négro-africains de la décennie 1930.
Non seulement elle avait créé la « Revue du Monde Noir », mais encore elle nous recevait souvent dans son appartement de la banlieue parisienne et nous conseillait dans notre combat pour la résurrection de valeurs de la Négritude ».

 
 

D’autres intellectuels fréquentent le Salon de Clamart

Léo SAJOUS, Nicolas GUILLEN, René MARAN (auteur de Batouala, Prix Goncourt en 1921), Léon – Gontran DAMAS, Jean Price MARS, ou encore des artistes tels que la célèbre cantatrice noire américaine, Marian ANDERSON.

Durant cette période, Paulette reçoit également un activiste important dans la cause noire et le panafricanisme, Marcus GARVEY, né à la Jamaïque et installé aux ETATS – UNIS avant d’être expulsé vers son île d’origine où il sera un des fondateurs du mouvement Rastafari.

Aujourd’hui, il est impossible de ne pas restituer à Paulette NARDAL la maternité de la Négritude qui fut par ailleurs l’objet d’un combat militant porté par d’autres.

Le Docteur Cécile DOLISANE – EBOSSE, Professeur émérite à l’Université de YAOUNDÉ au CAMEROUN, et membre d’associations de promotion de la femme dira solennellement, dans un hommage rendu à Paulette NARDAL que « ...derrière le Père Fondateur de la Négritude se cachait la mère fondatrice de la Négritude : Paulette NARDAL ».

Il n’y a pas plus belle et plus juste façon de dire les choses !
L’engagement identitaire de Paulette NARDAL et la Négritude par Catherine MARCELINE

 

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© Catherine MARCELINE,
Avocate, auteure et conférencière, membre du Club Soroptimist de Fort de France Alizés-Sud.