1er août 1902 – 19 novembre 1993
(Troisième sœur de Paulette NARDAL)
Jeanne NARDAL était considérée comme le phénomène de la famille.
Cette beauté « nègre » comme l’appelaient certains était une brillante femme de lettres et professeur de lettres classiques : elle est la première femme noire agrégée de lettres classiques.
Un jour, un de ses professeurs de la Sorbonne remet des copies et signale le travail particulièrement brillant de l’un des élèves et demande qu’il se manifeste.
L’histoire raconte qu’il fut stupéfait de constater qu’elle était femme … et noire… !
Jeanne était considérée comme le cerveau le plus brillant de la famille. Elle lisait tout le temps, y compris à la bougie, au grand désespoir de ses sœurs et de Paulette en particulier qui lui rappelait que la maison était en bois…
Jeanne a beaucoup participé au Salon de Clamart et travaillé à la REVUE DU MONDE NOIR.
Paulette dira d’elle qu’elle fut la première à s’intéresser au mouvement du panafricanisme et au militantisme politique noir.
C’est Jeanne qui parlera, s’agissant du Salon de Clamart, de la naissance d’un internationalisme noir.
Femme militante, son visa pour l’Afrique lui fut refusé, au plus fort des activités du Salon de Clamart, alors que Paulette et elles étaient parties en campagne en Belgique afin d’apporter leur soutien au mouvement d’indépendance de l’Ethiopie face à l’Italie.
Professeur au Pensionnat Colonial, Jeanne NARDAL a formé beaucoup de jeunes femmes dont certaines se souviennent d’une femme exceptionnelle, aux méthodes novatrices telles que l’utilisation de la vidéo en cours et dont l’enseignement a changé leur vie.
L’une de ses anciennes élèves dira d’elle « qu’elle était une Dame au sens noble du terme » …lui ayant appris « à penser, à philosopher, à voir loin et grand, bref elle a conditionné toute ma vie, et je lui suis infiniment reconnaissante ».
Jeanne se passionne également pour la culture afro-américaine avec ses styles de musique nouveaux tels que les spirituals et les blues ; elle organisera à la Martinique une conférence sur le « Chant Nègre aux Etats-Unis ».
Femme fière, à l’allure incroyable, portant toujours des tenues et des bijoux extraordinaires, elle martelait sans arrêt à ses jeunes élèves l’importance de l’estime de soi, qu’elle avait, elle-même, reçue de son père.
Elle voulut se lancer en politique mais une tentative de jet de torche par un adversaire dans la maison familiale – en bois ! – de la rue Schœlcher lui valut une interdiction paternelle définitive de s’immiscer à nouveau dans la chose politique !
– Jeanne s’est mariée avec un médecin guadeloupéen d’origine indienne, le Docteur Jules, Joseph ZAMIA.
Femme libre et indépendante….
Le mariage dura 3 ou 4 ans au bout desquels sa famille ira la chercher en Guadeloupe afin de la sortir de ce que l’on appellerait aujourd’hui une dépression.
Cet esprit brillant n’était probablement pas fait pour vivre dans des frontières insulaires aussi étroites.
Jeanne mourra à plus de 90 ans, devenue aveugle.
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© Catherine MARCELINE,
Avocate, auteure et conférencière, membre du Club Soroptimist de Fort de France Alizés-Sud.